Quatrième guerre punique (en hommage à Mohamed Bouazizi, inspirateur de la Révolution du jasmin)
Première époque : la Révolution tue et solitaire
Seul, vaincu et réfugié dans mon deux-pièces
J’entends Hannibal s’engouffrant par mes brèches
Me susurrer « Zama », sa tragique détresse
Comme si défaite exhumée restait fraîche
Car depuis cette deuxième guerre punique
Avec au dehors tout ce peuple décadent
-– Cafards grouillants d’une illusoire République -–
Je ne suis plus hélas que son seul descendant
Mais voilà -– ô signe du destin -– qu’Il m’assaille
Lui, Scipion, l’Africain, ce cafard qui m’esquive
Et qui, dans ma propre arène, joue et me raille
Encore et toujours, malgré mes offensives
Pourtant, soudain -– ô joie, ô douce revanche -–
Ma semelle de sandale, bénie et brave
En frappant, sans arrêts, ce gueux qui se déhanche
Finit, enfin, par l’abattre d’un coup suave
Et cette victoire de la Grande Carthage
Ce triomphe suprême, au dehors, s’étendant,
Fait même aux fiers des légions, rendre un grand hommage
A ce cœur de guerrier au si généreux sang
Ténébrio, (A 22H30, le 22 juin 1995)
Seconde époque : la Révolution du jasmin
J’observe sous la perruque si colorée
Si outrageusement ridicule, un despote
Un sot vieillard sourd, aveugle et dépassé
Terne Hannibal, hurlant à ses harpies en bottes
Aello, Ocypète, Céléno : tuez-les !!!
Spectacle désolant que cet usurpateur
Grimé par l’usure, si pathétique en scène
Qui entonne encore tel le César sauveur
Sa longue satire de sa démocratie païenne
Où le verbe parodie l’illusion du cœur
Mais, soudain sous son joug, ce franc escogriffe
Lui, en ce janvier rouge, qui gesticule
N’entend pas résonner le vieux cor chérif
Qui sonne, enfin, de son dictat, le crépuscule
Libérant, d’outre-tombe, l’hymne de ses griffes
Au dehors, volent au chevet du premier chahîd
Hurriya, Nidham, ’Adala, filles d’Ifriqiya
Qui dans le cœur des enfants de Sidi Bouzid
Font reverdir la digne grandeur d’autrefois
Celle qu’Aristote louait comme une Egide.
Et c’est ainsi, debout que le glorieux peuple
Qui après l’acte de foi du fier innocent
A, pour l’offense, dans les cendres et le sang
Sonné le tocsin de l’instinct du peuple
Immolant, à son tour, l'oppression d’un Roi nu,
Lassé de sa Coiffeuse et sa sinistre Cour :
Ces répugnants cupides et rampants parvenus
Ces blattidés fantassins et vils troubadours
Déifiant l’illégitime sans retenue
Lui qui sonna le glas du Pater familias
Est donc le jouet à son tour du Jour de gloire
Malgré son jeu d’acteur appuyé et sans grâce
Les répliques de ce pâle hercule de foire
Ne font qu’attiser de la liberté, l’audace
Le peuple, mauvais public, hue ce simulacre
Ce soliloque prétentieux de vingt trois ans
Inaltérable et opulente paillasse
Dont son éternel personnage du tyran
A fait son lit comme un faux dévot dans la place
Et lui dit, de guerre lasse : halte au massacre !!!
Le jasmin blanc souffle d’un coup l’air avarié
S’accrochant aux boutonnières du damné peuple
Lui emplissant les poumons du mot prohibé
Et les guidant hors du théâtre sinistré
Vers la lumière du forum pavé du peuple
Où chacun expire enfin ce mot : Liberté !!!
La dignité fièrement à la boutonnière
Partout fleurissait et malgré les soubresauts
Agonisants d’harpies aux bottes policières
Qui voyant avec effroi la fin du chaos
Se déchaînèrent en tirant sur la lumière
Entraînant le peuple comme un divin flambeau
Mais cette secte noire face à la liesse
Soudain renégate, soudain minorité
Recula comme son triste sir et sa druidesse
Sentant ce jasmin dans les cœurs s’enraciner
En les chassant dans les limbes de leur vieillesse
Pour laisser place enfin au peuple libéré
Liberté, Ordre, Justice : Hymne au jasmin
Partout le digne peuple debout le déclame
Même au-delà d’ici pour forcer ce destin
Qui voit la tyrannie enchaîner dans le drame
Tant d’autres peuples à des états gangstériens
Dont politique et religion sont les deux armes
Ténébrio, (A 23H54, le 13 janvier 2011)
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