La chaîne France 2: Un reportage navrant
La Presse de Tunisie
On ne jettera pas la pierre à la chaîne France 2 qui nous a gratifiés avant-hier d’un reportage bien sombre sur notre pays. Ces manières rappelleraient un peu trop d’anciennes coutumes, celles d’une époque révolue où la Tunisie voulait à tout prix imposer d’elle-même l’image d’une contrée respirant le jasmin et la joie de vivre. On s’en souvient : pendant que la misère accomplissait son œuvre de mort dans les régions reculées et certains quartiers populaires, il fallait présenter le reflet d’un pays toujours souriant. Et à ceux qui étaient tentés de faire une entorse à la règle, de promener leurs regards indiscrets du côté des zones glauques, on faisait des remontrances en expliquant que le tourisme était pour nous une ressource vitale... Il fallait donc, pour ainsi dire, mentir utile. Mais si nous cachions la misère de l’arrière-pays, nous cachions mal la misère de nos médias, qui ne disaient que ce qu’on leur commandait de dire... Et c’était sans doute une grande misère.
On ne jettera pas la pierre à la chaîne France 2 qui nous a gratifiés avant-hier d’un reportage bien sombre sur notre pays. Ces manières rappelleraient un peu trop d’anciennes coutumes, celles d’une époque révolue où la Tunisie voulait à tout prix imposer d’elle-même l’image d’une contrée respirant le jasmin et la joie de vivre. On s’en souvient : pendant que la misère accomplissait son œuvre de mort dans les régions reculées et certains quartiers populaires, il fallait présenter le reflet d’un pays toujours souriant. Et à ceux qui étaient tentés de faire une entorse à la règle, de promener leurs regards indiscrets du côté des zones glauques, on faisait des remontrances en expliquant que le tourisme était pour nous une ressource vitale... Il fallait donc, pour ainsi dire, mentir utile. Mais si nous cachions la misère de l’arrière-pays, nous cachions mal la misère de nos médias, qui ne disaient que ce qu’on leur commandait de dire... Et c’était sans doute une grande misère.
Aujourd’hui, nous ne nous privons pas de dénoncer ce qui ne va pas sur les colonnes des journaux, sur les ondes des radios comme sur les écrans de télévision. Au risque même de susciter l’embarras et la colère de nos gouvernants, qui aimeraient sans doute que nous soyons plus positifs. Et pourtant, nous avons peine à comprendre... Comment une chaîne de télévision publique, qui peut à juste titre se prévaloir d’un haut degré de professionnalisme, peut-elle se laisser aller à une vision de la réalité si biaisée ? Où est la société civile qui, face aux dérives évoquées et à d’autres, se mobilise et donne de la voix ? Où est la liberté d’expression et le débat franc qui, depuis la révolution, ont transformé partout le paysage de notre réalité quotidienne et font de nous des hommes debout ? Où est l’espoir d’un pays vivant désormais dans un climat de pluralisme politique et qui attend de pied ferme sa nouvelle Constitution et ses prochaines élections ? Au nom de quelle règle de journalisme cela doit-il être gommé, biffé, occulté ? N’y a t-il pas un contrat de vérité qui lie le journaliste à son public, et qui l’oblige à ne pas donner de la réalité une représentation trompeuse, que ce soit par action ou par omission ?
Parce que nous vivons dans ce pays et que nous le connaissons, nous savons à quel point le reportage qui a été servi aux téléspectateurs français est pour le moins d’une piètre qualité journalistique. Et il est regrettable de le dire: ce travail ne respecte ni la vérité complexe d’un pays ni le public auquel il est destiné, et qui mérite beaucoup mieux que cette image grossièrement apprêtée, imposée par un a priori facile...
Nous le savons bien : il existe chez le public français une certaine propension à cultiver des préjugés concernant nos pays du Sud. C’est dommage. Mais ce qui l’est plus encore, c’est qu’une chaîne publique se fasse un point d’honneur d’abonder dans ce sens et de flatter de tels préjugés... Ce n’est en tout cas pas l’idée que nous nous faisons, ni du journalisme en général et de la noblesse de ce métier, ni du service public et de ses exigences. Mais bon vent quand même !
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