Libre pensée - Le poids des mots : « Révolte » ou « Révolution » ?
En pensant à ce que nous venons de vivre le 14 janvier 2011, je ne peux m’empêcher de me rappeler les paroles de Goethe : « d’ici et de ce jour commence une ère nouvelle dans l’histoire du monde », j’ajouterai, dans l’histoire des peuples.
Nous avons inlassablement appris à nos étudiants la nécessité de faire attention aux mots comme de bien distinguer, en la circonstance, « révolte » et « révolution » et la nécessité de cette distinction à chaque fois que nous sommes en présence d’un tournant historique. Ce qui s’est passé en Tunisie le 14 janvier 2011 a valeur d’exemple. Afin de pouvoir définir clairement et implicitement nos choix pour un projet de société digne des vies humaines qui ont été sacrifiées non point au nom de revendications sociales primaires mais sur l’autel de la liberté et de la dignité, il importe qu’on s’arrête sur l’usage des mots, et qu’on applique les définitions appropriées qui traduisent la réalité des évènements à partir d’une question triviale, d’approche méthodologique élémentaire : s’agit-il d’une révolution on d’une révolte ?
A chaque fois, comme pour dénigrer l’action du peuple aussi bien dans le monde occidental que dans le monde oriental, on qualifie ses manifestations, de révolte, d’émeute de la faim, plus péjoratif encore ( dans le cas de la Tunisie, tout au long de son histoire contemporaine de 1864 « par vacuité idéologique » allègue-t-on jusqu’à 2011), de jacqueries ou, au mieux d’insurrections, de soulèvements ou encore, pour le politiquement correct, d’émotions populaires, avec l’intention préméditée de nier systématiquement toute légitimité politique au peuple et de l’infantiliser.
Nous avons inlassablement appris à nos étudiants la nécessité de faire attention aux mots comme de bien distinguer, en la circonstance, « révolte » et « révolution » et la nécessité de cette distinction à chaque fois que nous sommes en présence d’un tournant historique. Ce qui s’est passé en Tunisie le 14 janvier 2011 a valeur d’exemple. Afin de pouvoir définir clairement et implicitement nos choix pour un projet de société digne des vies humaines qui ont été sacrifiées non point au nom de revendications sociales primaires mais sur l’autel de la liberté et de la dignité, il importe qu’on s’arrête sur l’usage des mots, et qu’on applique les définitions appropriées qui traduisent la réalité des évènements à partir d’une question triviale, d’approche méthodologique élémentaire : s’agit-il d’une révolution on d’une révolte ?
A chaque fois, comme pour dénigrer l’action du peuple aussi bien dans le monde occidental que dans le monde oriental, on qualifie ses manifestations, de révolte, d’émeute de la faim, plus péjoratif encore ( dans le cas de la Tunisie, tout au long de son histoire contemporaine de 1864 « par vacuité idéologique » allègue-t-on jusqu’à 2011), de jacqueries ou, au mieux d’insurrections, de soulèvements ou encore, pour le politiquement correct, d’émotions populaires, avec l’intention préméditée de nier systématiquement toute légitimité politique au peuple et de l’infantiliser.
Dans l’état actuel qui nous concerne, le mouvement des jeunes a devancé nos attentes ; les organes d’expression officiels n’osaient pas qualifier ce qui vient de se passer, le 14 janvier 2011 en Tunisie, de révolution, de révolutionnaire (il reste encore à étudier les lexiques). Les analystes et les observateurs les plus lucides n’arrivaient pas à envisager que le mouvement déclenché par l’immolation de notre martyr Mohammed Bouazizi, est une aspiration hautement symbolique à la dignité humaine et non point l’expression désespérée d’un affamé.
Cela dit, pourquoi reste-t-il nécessaire de qualifier ce mouvement du peuple à sa juste valeur, de lui attribuer une définition exacte ? En quoi est-il déterminant de le qualifier de révolution ou de révolte ?
Est-il besoin de rappeler qu’une révolte n’implique pas un changement de régime mais provoque tout juste et à la limite des réformes aussi profondes soient-elles. La révolution, quant à elle, impose une rupture radiale et totale avec les structures existantes. La circonstance de l’urgence peut, dès lors, conférer une légitimité à tous actes, mesures décisions politiques voire décrets sans obligation de conformité aux structures anciennes et pris ou décrétés dans le sens de l’établissement d’un ordre nouveau.
Concernant ce fait ponctuel majeur du 14 janvier 2011 et qui est le paroxysme d’un processus de plus longue durée, de quoi s’agit-il réellement?
Les jeunes ont explicitement tranché : dans leur extrême variété socio-professionnelle, ils ont scandé la révolution et des slogans révolutionnaires. A ce titre, la rue à travers ses différents moyens d’expression, des plus dérisoires au plus sophistiqués, fut à une longueur d’avance de notre génération, des médias aussi qui sont restés dans leur grande majorité, fort timides et bien timorés dans leur discours. Ces jeunes, « diplômés », instruits ont, dans leur majorité, suffisamment d’outils conceptuels pour établir des distinctions élémentaires d’analyse de contenu.
Aujourd’hui, on n’est plus en droit de bafouer la volonté populaire : il faut apporter une réponse à la mesure des attentes, une réponse qu’imposeront nos consciences sans les apaiser.
Que répondre à la volonté populaire, à la vox populi, pour faire écho à cette demande express ? Comment comprendre dans ce cas une rupture avec les structures existantes ? Quel sens donnée à cette rupture ? Nous estimons qu’il doit s’agir d’une réponse politique à grande portée juridique, une réponse qui empêchera à jamais le spectre des dictateurs de tout ordre, une solution légale qui accordera une légitimité prépondérante au peuple dans la gestion de ses affaires. Au temps de la Révolution française de 1789, les révolutionnaires ont dû chercher, sans complexe, dans des modèles de l’antiquité pour inventer de nouveaux systèmes de gouvernement censés garantir une place prépondérante à la parole du peuple par la création ex-nihilo, d’un système démocratique représentatif. On n’a pas l’intention, ici, de proposer un modèle ou un autre, ce n’est ni dans nos compétences ni dans nos prétentions, pour un minimum de conformité et de respect de la volonté populaire. En revanche, les compétences tunisiennes sont légion : toutes les forces vives de la Nation fédérées en assemblée constituante seront en mesure d’inventer le système qui traduira au mieux la souveraineté populaire. Cette assemblée enfantera une constitution nouvelle qui établira les mécanismes institutionnels adéquats pour fixer et garantir à jamais les attributs, les prérogatives et l’exercice réel d’une souveraineté populaire suprême, ascendante par rapport au pouvoir exécutif : le garant de la démocratie, c’est la souveraineté populaire, un vocable et une entité juridique d’ailleurs significativement bannis du lexique de la pensée politique arabo-musulmane contemporaine. C’est du moins un débat qui s’impose et dont toute solution politique envisagée ne saura faire l’économie et qui doit être l’engagement et le combat de tous pour notre honneur et la mémoire de nos martyrs, d’hier et d’aujourd’hui, pour nos jeunes, nos enfants qui nous ont donnés une admirable leçon de courage, de sacrifice, de responsabilité et de maturité politiques dans l’acception la plus large du terme ; c’est le tribut que ma génération se doit d’acquitter à leur égard en guise de reconnaissance pour nous avoir permis de goûter au bonheur, inégalé, enivrant, exaltant de la liberté.
J’ai fait allusion à Goethe à juste titre. Je me permets de rapporter fidèlement quelques messages de soutien et de félicitations qui me sont parvenus d’honnêtes patriotes à travers l’Europe, l’Amérique, l’Afrique, exprimant la même conscience de la grandeur de l’évènement: « Le jour de gloire est arrivé » […] « Vous faites la preuve que vous êtes à la pointe des nations, c''''est la plus belle nouvelle internationale depuis la chute du Mur de Berlin » .
L’exploit réalisé, reste la lourdeur de la mission. Dès lors, sans orgueil ni vanité, mais en toute responsabilité, aux yeux des peuples soumis et de l’histoire, nous sommes accrédités du statut de la nation garante de la souveraineté populaire. Il est impératif que notre nouveau système de gouvernement réponde aux attentes et soit à la hauteur de l’exploit.
Photo credits: Nawaat.org
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