Juifs et musulmans du monde peuvent ils cohabiter ensemble ? Selon lintellectuelle juive, Esther Benbassa, oui mais certaines conditions !
De la journaliste Franco Tunisienne. Friel Berraies Guigny. Paris
Ester Ben Bassa femme de courage et de conviction fait parti de ces militantes juives, qui uvrent avec acharnement pour le rapprochement entre les communauts religieuses en France.
Dans lternel combat contre lIslamo phobie, lantismitisme et lantichristianisme, cette historienne nous livre une vision lucide et courageuse sur les dangers de certains amalgames qui ont longtemps nourri la haine entre les peuples. Une haine entretenue par lintolrance, mais galement la dsinformation qui puise son essence dans un vritable mythe collectif. Islam et Judasme, une cohabitation viscralement inconcevable et pourtant tant de peuples du Moyen Orient auraient y gagner. Juifs et musulmans ont cette histoire en commun, quil faut reconnatre bien quelle soit douloureuse. Son dernier ouvrage paru en 2006, tente de renouer le dialogue et dclairer sur certains non dits et certaines exactions inhumaines. Aujourdhui, pour luniversitaire, lheure est au bilan et la reconnaissance de certaines fautes quil ne faut aucunement imputer au seul hritage historique ou la religion. Les peuples et les Etats concerns en perdraient leur lgitimit. Pour elle, l ou la dmocratie chouera, il faudra sattendre au retour du grand religieux et aux risques de drapage politique que cela impliquera. Le conflit au Liban, sans nul doute a t considr par lintellectuelle comme une sale guerre un drapage qui a provoqu un carnage injustifi. Et aujourdhui, limage dIsral a pris un srieux coup.
Ester Ben Bassa femme de courage et de conviction fait parti de ces militantes juives, qui uvrent avec acharnement pour le rapprochement entre les communauts religieuses en France.
Dans lternel combat contre lIslamo phobie, lantismitisme et lantichristianisme, cette historienne nous livre une vision lucide et courageuse sur les dangers de certains amalgames qui ont longtemps nourri la haine entre les peuples. Une haine entretenue par lintolrance, mais galement la dsinformation qui puise son essence dans un vritable mythe collectif. Islam et Judasme, une cohabitation viscralement inconcevable et pourtant tant de peuples du Moyen Orient auraient y gagner. Juifs et musulmans ont cette histoire en commun, quil faut reconnatre bien quelle soit douloureuse. Son dernier ouvrage paru en 2006, tente de renouer le dialogue et dclairer sur certains non dits et certaines exactions inhumaines. Aujourdhui, pour luniversitaire, lheure est au bilan et la reconnaissance de certaines fautes quil ne faut aucunement imputer au seul hritage historique ou la religion. Les peuples et les Etats concerns en perdraient leur lgitimit. Pour elle, l ou la dmocratie chouera, il faudra sattendre au retour du grand religieux et aux risques de drapage politique que cela impliquera. Le conflit au Liban, sans nul doute a t considr par lintellectuelle comme une sale guerre un drapage qui a provoqu un carnage injustifi. Et aujourdhui, limage dIsral a pris un srieux coup.
Esther Benbassa est directrice dtudes lEcole Pratique des Hautes Etudes (Sorbonne, Paris), titulaire de la chaire dhistoire du judasme moderne. Elle est galement une intellectuelle engage, auteur de nombreux ouvrages dont le dernier est: Juifs et musulmans : une histoire partage, un dialogue construire, Paris, La Dcouverte, 2006 (dir., avec J.-C. Attias).
Juifs et musulmans
Une histoire partage, un dialogue construire.
Synopsis :
Cest au moment o tout semble perdu que le dialogue prend toute sa valeur. Israliens et Palestiniens sont-ils condamns se dtruire jusquau dernier jour ? Peut-on puiser dans lhistoire les moyens de surmonter les antagonismes du prsent ? Mme si elle napporte pas de rponse directe aux conflits daujourdhui, la connaissance du pass permet den relativiser certains enjeux. Issu dune rencontre publique qui trouva un grand cho au printemps 2004, cet ouvrage runit les contributions de diverses personnalits (intellectuels, chercheurs, crivains, journalistes, acteurs associatifs, responsables communautaires), venues dhorizons culturels et confessionnels diffrents et qui souvent ne se parlaient pas ou plus. Acceptant dchanger ici sur lhistoire longue des relations judo musulmanes depuis le Moyen ge aussi bien que sur les conflits contemporains, elles sefforcent dapporter dans la srnit les lments dun savoir clair et sr et de frayer ainsi les voies dune connaissance mutuelle. En France, juifs et musulmans ont soif de se parler nouveau. Inspir par une dmarche citoyenne, ce livre vient point pour inviter rflchir ensemble sur ce qui nous unit autant que sur ce qui nous divise. Certes sans illusions, mais avec des raisons desprer.
(Jean-Christophe ATTIAS, Esther BENBASSA )
Entretien avec Feriel Berraies Guigny :
Vous dnoncez les dangers du racisme religieux savoir lislamophobie, lantismitisme et lantichristianisme?
Je dnonce toutes les drives parce que comme historienne je sais quoi elles mnent. Le gnocide des juifs n'est pas seulement li au contexte conomico politique de l'avant-guerre. Il a t nourri aussi par l'antijudasme et l'antismitisme, l'un d'origine religieuse indissociable du contentieux entre judasme et christianisme, et l'autre labor au XIXe sicle, en pleine modernit naissante, attribuant aux juifs toutes les difficults qu'amenait cette transformation. L'indiffrence les a laiss mrir et se rpandre dans des priodes de crise o ce racisme loignait des vrais problmes, en remettant leur solution plus tard, focalisant l'attention sur des groupes ethniques et religieux. Aujourd'hui, dans les pays arabes, l'antismitisme de type europen qui merge avec ses obsessions classiques autour du complot juif, de l'argent juif, du pouvoir juif joue le mme rle que dans le pass en Europe. Certes, il est depuis la fondation de l'Etat d'Isral, coupl un anti-isralisme primaire et nullement rationnel. Quant l'antichristianisme qu'on observe dans ces mmes pays, il n'est pas tranger la xnophobie traditionnelle entretenue par les nationalismes locaux, xnophobie qui avec la monte de l'islam et de l'islamisme revt actuellement des habits religieux. En France, l'islamophobie actuelle ressemble beaucoup, par certains aspects, l'antismitisme du XIXe sicle. S'il y a de la violence en France, si son conomie est grippe, si la France a perdu son aura d'antan, la faute qui ? Aux Arabo-musulmans. Le 11 septembre a donn des ailes cette tendance qui n'est pas trangre une xnophobie franaise bien enracine. une poque, on rejetait les Polonais, les Italiens, les Portugais, les Espagnols. Mais ceux-ci tant des chrtiens, la tolrance leur gard tait plus grande. Les Arabes de France ont le tort de ne pas tre chrtiens. Et tout cela malgr la lacit qu'on proclame haut et fort. L'universalisme franais reste encore imprgn de christianisme et de blanchitude. En mme temps, paradoxe, la France est aussi un pays d'accueil.
Peut on dire que dans le monde, il y ait une lutte confessionnelle tripartite ? que pensez vous de la France et de son attitude actuelle par rapport aux trois communauts religieuses ? aujourdhui lIslam nest il pas son tour perscut ?
Je suis moins sre qu'on soit seulement dans une lutte entre les religions. Il va de soi que la rivalit entre le christianisme et le judasme, son frre an, qui n'a pas reconnu la messianit ni la divinit de Jsus et qui pour cette raison tait condamn l'infriorit, et avec l'islam, venu aprs, la fois objet d'attirance et de rpulsion, n'est pas ngliger. La peur de l'islam n'est pas nouvelle en Occident. Il suffit de feuilleter un livre d'histoire pour s'en apercevoir. Lpouvantail de l'islam conqurant et dominateur a travers les sicles. Quel lve n'a pas appris la bataille de Poitiers? L'Occident a trembl devant le Grand Turc forant les portes de Vienne. Maintenant, lislam fascine encore par la ferveur qu'il provoque chez ses adeptes dans une Europe la pratique religieuse exsangue. Il rvulse encore par certains comportements de type religieux qui lui rappellent un pass rcent o, au nom de sa foi chrtienne, on tuait et on se tuait. L'islam constitue pour l'Occident une sorte du retour du refoul. La dcolonisation non digre n'est pas sans effets non plus dans cette islamophobie.
La Shoah puis la diaspora juive, justifient t-elles la politique denvahissement et de rpression? vous dnoncez cette union sacre juive qui veut avaliser tous les drapages actuels ? Nest ce pas prcher dans le dsert ?
Rien ne justifie ce que subissent les Palestiniens. Isral a le droit d'exister, mais aussi le devoir de laisser exister un Etat palestinien. Je pense de plus en plus que la survie d'Isral dpend de la fondation d'un Etat palestinien indpendant, dot de frontires claires et sres. Cela aidera Isral se normaliser. Ce pays n'existe pas pour que les juifs de la diaspora se sentent en scurit. C'est certes un pays pour les juifs, mais d'abord un pays pour les Israliens, juifs ou non, qui y vivent. Et ce sont ces derniers qui affrontent au jour le jour les difficults d'un pays en guerre permanente. Une situation qui risque la longue de devenir invivable et de provoquer de grandes vagues d'migration l'tranger. Le gnocide o six millions de juifs ont t extermins en Europe n'est pas sans consquences sur l'attitude des juifs de la diaspora qui manifestent une fidlit sans faille Isral, imagin comme un refuge ventuel au cas o a irait mal un jour. Isral instrumentalise aussi cette peur comprhensible pour se servir de la diaspora comme courroie de transmission de sa politique. Le gnocide fait partie intgrante de la rhtorique des politiciens israliens depuis l'arrive de la droite (du Likoud) au pouvoir en 1977, et ce pour justifier l'occupation. Ce n'est pas un hasard si on ractive cette rhtorique en temps de guerre pour rappeler qu'un deuxime gnocide menace les juifs si Isral perd la guerre. Je respecte au plus profond de moi-mme les peurs et les frayeurs de ceux qui restent hants pas la mmoire du gnocide, mais je n'admets pas qu'on l'utilise pour justifier loppression du peuple palestinien qui a aussi droit un Etat, comme les juifs avaient rclam le leur la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Nous savons que la souffrance subie par un peuple ne le rend pas plus sensible celle d'un autre peuple qui souffre ses portes. Et l'union sacre laquelle nous avons assist pendant la guerre du Liban tait concomitante cette fidlit indfectible qui empche toute critique d'Isral et qui d'ailleurs empche les juifs de la diaspora de se construire sur place, dans leur pays d'implantation, un judasme nergique, tourn vers l'avenir et cratif.
Que pensez vous de la politique actuelle isralienne au Orient? Vous parlez de sale guerre sagissant de loffensive isralienne au Liban ? que pensez vous du blocus qui perdure? lalliance amricano isralienne, sert elle vraiment le dessein du peuple juif ? cette guerre de haine palestinienne ne risque t-elle dexacerber lantismitisme et de creuser le foss entre les communauts en France ?
Ce fut une sale guerre et je l'ai crit aux premiers jours, quand je voyais Isral s'y enliser. Isral aurait pu rcuprer les soldats enlevs par un change de prisonniers comme l'avaient fait auparavant Ben Gourion ou Sharon. C'est vrai qu'au dbut, cette raction pouvait paratre lgitime. Isral avait le droit de se dfendre, mais je crois que toutes ces imprcations contre l'islam terroriste, le Hamas et le Hezbollah terroristes, ont contribu aveugler Isral, et men les politiques et l'arme sous-estimer leurs adversaires, tant le mpris tait grand. Ni le Hamas, ni le Hezbollah ne sont des mouvements anodins et encore moins de type dmocratique. Mme si leur arrive au pouvoir leur a confr une certaine lgitimit, on ne peut pas nier certaines des tendances inquitantes qui les habitent. Peut-tre un jour dira-t-on seulement qu'il s'agissait de mouvements de rsistance. L'apprciation du prsent et celle de l'avenir diffreront sans nul doute et cela dpendra de la place que ces mouvements occuperont demain sur la scne politique, puis plus tard historique. Le point nvralgique de cette guerre se situe dans le conflit isralo-palestinien. Certes, le Hezbollah, en capturant les soldats israliens, a souhait dtourner l'attention du G8 de l'Iran et de la question de son armement nuclaire. Isral s'est senti fort et a employ, avec la bndiction des Etats-Unis, pour qui l'occupation de l'Irak est un vritable dsastre, les grands moyens. L'offensive isralienne, de type technologique, n'a cependant pas russi entamer srieusement la rsistance dploye par le Hezbollah. Cette guerre, qui s'est solde par un millier de morts civiles et des destructions massives, a terni l'image d'Isral pour longtemps et l'chec militaire a dstabilis le pays pour un bout de temps. Cette guerre n'a rien fait avancer et de surcrot a redor le blason du Hezbollah aux yeux d'une large frange de la population libanaise et des populations arabes au Moyen-Orient. Nous sommes toujours au point de dpart: les soldats capturs ne sont pas revenus et Isral sera probablement oblig d'changer des prisonniers libanais et palestiniens contre ces soldats. Tant de morts et de destructions des deux cts, davantage bien sr du ct libanais, sans compter les Palestiniens qui pendant cette priode ont galement subi des offensives israliennes, et maintenant une crise en Isral mme au sein d'une population qui demande des comptes Franchement, je crains le pire pour Isral et pour les juifs en diaspora avec cette dstabilisation. Tout cela nourrit l'animosit l'endroit des juifs, ce qui est regrettable, et met en danger le vivre ensemble.
Comment vivez vous les mouvements dhostilits de certains courants juifs qui vous reprochent ddulcorer lIslam ? et la limite, de trahir la cause juive ?
Je suis une juive fire de l'tre, je suis ne en Orient, mais jai grandi en Isral, et il me semble connatre les dfauts et les qualits des uns et des autres. Je ne trahis rien, au contraire, j'assume ma condition d'intellectuelle juive universaliste, critique, parce que l'intellectuel n'appartient aucun groupe. Les intellectuels juifs ont dfendu longtemps des causes universelles, en commenant par tous les mouvements socialisants et marxisants, parce qu'ils croyaient qu'en changeant le monde, ils allaient changer la condition juive dplorable cette poque en Europe. Plus tard, ils se sont unis aux Noirs amricains dans leur lutte pour les droits civiques. La liste est longue. C'est vrai que l'exprience terrible du gnocide a chang la donne. La fondation de l'Etat d'Isral a dtourn progressivement notre regard du monde son profit. Devons-nous pour autant cesser d'tre les citoyens du monde pour nous enfermer dans nos communauts? L'accession des juifs la citoyennet au XVIIIe sicle leur a donn la possibilit de sortir du ghetto. Faut-il y retourner aujourd'hui parce que de nouveau monte l'inquitude dans un cadre de bellicosit nationale et internationale?
Ny a t-il pas au Moyen Orient une main mise de la religion sur lEtat ? Lavance vers la paix ne passe telle pas par une sparation plus nette des pouvoirs politiques et religieux ?
Pensez-vous vraiment que la religion soit un facteur dterminant? La misre, le manque de perspectives, la corruption des politiques, l'absence de projets politiques viables renforcent le pouvoir des religions qui s'immiscent dans les failles. Si on ne rgle pas tous ces problmes inhrents ces pays du Moyen-Orient encore patriarcaux et peu dmocratiques, la sparation de la Mosque et de l'Etat ne fera pas avancer grand chose. Regardez la Turquie, o cette sparation remonte aux dbuts de la Rpublique : l'islam et lislamisme y connaissent un essor considrable. Il est trop facile d'attribuer tous les maux dont souffrent ces nations, nes pour la plupart au lendemain de la dcolonisation, l'absence d'une sparation entre la religion et la politique. En Europe du Nord, pays dmocratiques par excellence, une telle sparation n'existe pas, et pourtant ces pays ne souffrent pas des difficults qui accablent les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Par exemple, aux Etats-Unis, la religion est insparable de la dmocratie.
Que tirer comme enseignement du pass et des expriences de religions juges aujourdhui plus modres si ce nest plus tolrantes ? Y a-t-il un lien entre la modration de la religion et la dmocratisation de la socit ? et entre la religiosit et lin alphabtisation ?
Dans une socit dmocratique, la religion occupe la place qui lui revient et pas plus. Elle ne prend pas la place du politique. Le dysfonctionnement de la dmocratie renforce la religion. Ici et l en Occident on assiste un retour du religieux, mais rien voir avec ce qui se passe dans le monde musulman. Qu'il y ait une recherche de valeurs dans la religion, en pleine mondialisation, lorsque les repres sont de moins en moins visibles, cela n'a rien d'extraordinaire. Je ne sais pas s'il existe des religions plus tolrantes que d'autres. Mises en situation, elles se rvlent aussi intolrantes les unes que les autres. La baisse de la pratique religieuse en Occident a limit l'avance de la religion dans l'espace politique. Au Moyen-Orient, elle l'envahit et parfois lui dicte sa loi avec le soutien d'une population qui cherche une issue l'impasse dans laquelle elle est relgue, sans espoir pour l'avenir. C'est aussi une raction contre un Occident qui elle attribue ses malheurs ou dont on lui fait croire quil en est le principal responsable. L'histoire de la colonisation n'est pas trangre cet tat de choses, mais elle n'est pas l'unique facteur. La religion peut apporter dans les situations de prcarit conomique et morale un rconfort, mais rien de plus.
Parlez nous de votre sminaire le pari du vivre ensemble en France, est ce un projet raliste ? quelles sont vos attentes, et les objectifs atteints ? Vous tes ne en terre musulmane, en Turquie, vos racines sont elles la raison de votre vision modre et pacifiste par rapport au monde arabe ?
Pendant une semaine, du 19 au 26 mars, travers des dbats, des rencontres, des concerts de musique mtisse, des expositions, des interventions en monde scolaire, nous avons essay, Jean-Christophe Attias et moi-mme, avec environ 200 intervenants de toutes origines et de toutes sensibilits, de crer un espace de libert o penser les conditions dun authentique vivre ensemble. Des voix colores et multiples aspiraient avec force se faire entendre. Sil se prsentait comme une semaine de lutte contre les discriminations, Le Pari(s) du Vivre- Ensemble tendait aussi au rapprochement des diffrences, de ces diffrences qui font la France mais qui souvent sont occultes par les dcideurs. Si les mdias ont pu tre sensibiliss aux exigences et aux griefs portes par ces voix, si les patrons ont pu expliquer celles de leurs dmarches qui visent promouvoir la diversit dans lentreprise, bien des politiques, en revanche, ont montr combien ils taient loin des proccupations au quotidien de ceux qui peinent dbloquer lascenseur social et qui sont les victimes dun systme qui ne se donne pas les moyens dirriguer ses lites dun sang neuf. De celui de ces jeunes quon appelle injustement issus de limmigration , quand nombre dentre eux sont ns depuis deux gnrations sur le sol franais. Reste que le dsir de comprendre, lenvie de partager et de dbattre taient bien au rendez-vous, malgr des divergences parfois svres. Un jeune associatif noir demanda avec srieux et conviction quon lui explique pourquoi il ne serait pas un bon citoyen franais parce que pratiquant musulman. Et si le choc des civilisations ntait rien de plus quun fantasme manipul au gr des besoins du moment ?
Parlez nous de votre dernier ouvrage, Juifs et Musulmans, une histoire partage, un dialogue construire (La Dcouverte, 2006) ; pensez vous que le dialogue est possible et dans quelles conditions ?
Ce livre est ne d'une rencontre organise la Sorbonne et l'Institut du Monde Arabe le 13 mai 2004 en pleine intifada. Ce jour-l, ds le matin tt, la salle de plus de 1 000 places tait pleine craquer. Nous avons mis pendant cette journe autour d'une mme table des personnalits juives, musulmanes et autres qui ne communiquaient alors que par invectives. Tous ont pu discuter calmement, faire passer un message, montrer que tout tait encore possible au pire des situations. Par la suite, le relais a t pris par d'autres. Cest dans le droit fil de cette dynamique que nous avons souhait par la suite organiser le Pari(s) du Vivre-Ensemble et nous avons quelque part sem des graines qui vont finir par germer. Le dialogue se construit, il n'est pas donn d'avance. Pour ce faire, il convient aussi de faire merger l'histoire dune cohabitation millnaire, sa mmoire, avec ses hauts et ses bas, sans illusions, mais comme signe que cette cohabitation fut possible dans un pass pas si lointain que cela. Je ne crois pas au simple dialogue, mais la confrontation des ides, des vcus, des expriences afin de les dpasser, pour se dire qu'on ne peut pas continuer se har, que la coexistence est une ncessit indpassable. L'ignorance est un fondement de la haine. Le rapprochement dpend de la connaissance mutuelle. Je demande dans un premier temps une cohabitation de raison. L'amour viendra plus tard...
Friel Berraies Guigny
www.journaliste.montaf.com
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