La laïcité relance le débat en Tunisie

Alors que les Tunisiens se penchent sur les relations complexes entre laïcité, Islam et identité nationale, un forum sur la religion et la politique, organisé le samedi 12 mars à Tunis, a donné lieu à des discussions enflammées.
"En Tunisie, nous vivons aujourd'hui un conflit entre ceux qui souhaitent un Etat laïc et ceux qui appellent à préserver le premier article de la constitution", a déclaré le chercheur islamique Sami Brahem lors de ce forum, qui a été organisé par l'organisation non gouvernementale El Jahedh.
"En Tunisie, nous vivons aujourd'hui un conflit entre ceux qui souhaitent un Etat laïc et ceux qui appellent à préserver le premier article de la constitution", a déclaré le chercheur islamique Sami Brahem lors de ce forum, qui a été organisé par l'organisation non gouvernementale El Jahedh.
Lors de son intervention, Brahem a expliqué que le concept de la laïcité souffre de distortions, qui invitent à un débat entre ceux qui la soutiennent et ceux qui s'y opposent.
Plusieurs intervenants islamiques ont fait part de leurs crainte de voir une ré-écriture de la constitution entraîner l'abolition de son premier article, qui stipule la nature arabe et islamique de la Tunisie.
Selon Brahem, leurs adversaires veulent intégrer la laïcité de l'Etat dans la constitution "par peur de voir la religion s'intéresser aux affaires publiques, diriger les croyances des personnes, ce qui aurait une incidence sur la parité électorale".
"Ce débat entre les différentes tendances est important, mais nous devons accepter toutes les mouvances, qu'elles soient socialistes, nationalistes ou islamistes, parce que ce sont elles qui constituent la richesse intellectuelle qui nous fait avancer", a déclaré Afef El Hamrouni, un étudiant, "notamment dans la mesure où la religion islamique est valable en tout temps et tout lieu".
Pour sa part, Leila Taouati a souhaité la construction d'un Etat d'institutions et de conventions, plutôt que d'un Etat de doctrines.
Si la majorité "peut vous faire gagner les élections, elle ne vous donnera jamais les pouvoirs divins", a déclaré Sadek Saidi.
Saidi a appelé à la mise en place du concept de citoyenneté et à la promotion d'une culture de la différence idéologique.
Pour leur part, les partisans de la laïcité ont organisé samedi un rassemblement à Sousse, où ils ont été attaqués par leurs adversaires.

"Qui pratique la suppression ici, dans cette manifestation ?", s'est interrogée la chercheuse islamique Rajae Ben Salama sur sa page Facebook. "Certainement pas les laïcs, mais ceux qui brandissent des slogans islamiques. Ils exercent la suppression parce qu'ils souhaitent annuler la manifestation des laïcs, plutôt que d'organiser une manifestation parallèle."
En réponse aux questions des participants à ce séminaire, Brahem a déclaré : "Affirmer que la laïcité est une condition de la démocratie menace de nous écarter de l'identité du pays et de la démocratie."
"Les craintes des deux parties sont légitimes", a-t-il reconnu. "Les laïcs craignent un retour à des dispositions doctrinales et l'abolition du Code sur le statut des personnes, ainsi qu'un retour aux punitions corporelles et un changement de l'ordre de la société."
"Quant aux adversaires de la laïcité, ils insistent sur le maintien du premier article de la constitution, soulignant que l'Islam n'est pas une religion de rites, mais qu'il comprend de nombreux domaines liés aux affaires publiques", a expliqué Brahem.
Pour surmonter l'impasse entre les deux camps, il les a appelés à "se libérer de la controverse des concepts mixtes, notamment du concept de la politique, dont beaucoup pensent qu'il est lié au pouvoir".
"C'est un concept traditionnel parce que toute gestion des affaires publiques relève du comportement politique, même les prières du vendredi. Par conséquent, séparer la religion de la politique est un faux procès, parce que les gens considèrent la religion comme une chose publique, et qui, donc, demeure une affaire politique", a-t-il affirmé.
Et Brahem d'ajouter : "Il est nécessaire de fonder un Etat contractuel et consensuel, plutôt qu'un Etat idéologique".
"Les deux parties devront s'entendre sur un certain nombre de facteurs communs, notamment parce que la Tunisie est un pays de dialogue et d'ouverture à toutes les cultures", a-t-il conclu.
Jamel Arfaoui
(Magharebia)
(Magharebia)
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