Tunisie Mariage consanguin : ce n’est pas toujours le bonheur

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La saison des mariages s’annonce. Jusqu’à tout récemment, nombre de futurs époux accordaient peu d’intérêt au certificat prénuptial. Une simple formalité… Certains médecins jouant la complaisance…Il faut savoir, toutefois, que l’absence de la visite médicale avant le mariage peut causer bien des problèmes, en particulier pour les couples qui ont des liens de sang…

Nombreux sont les Tunisiens qui, pour des motivations culturelles ou encore économiques, optent pour un mariage avec un partenaire de la même famille. Ces unions sont perçues par certains comme étant la garantie d’une entente durable et un moyen de garder les biens de la famille. De ce point de vue, ces unions semblent offrir la solution parfaite pour réussir sa vie conjugale.
Selon les dernières statistiques, en Tunisie, le taux des mariages consanguins serait de 32%. Cette fréquence relativement élevée n’est toutefois pas propre à notre pays. Les communautés traditionnelles, partout dans le monde, abritent généralement un nombre très important de mariages consanguins. Dans certaines sociétés, leur taux est vraiment inquiétant : en Arabie Saoudite, il s’élève à 51,3% (chiffre de 2001), alors qu’au Pakistan, il est de 60% (en 1998). Des taux qui sont inquiétants parce que, selon les spécialistes, la consanguinité est un facteur de risque en matière d’augmentation de la prévalence de maladies génétiques, généralement handicapantes et incurables. De la consanguinité résultent, également, des complications lors de la procréation et de l’accouchement.
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La proportion de mariages consanguins chez nous est plus ou moins importante selon les régions. Dans certaines, elle atteint jusqu’à 50%. Malgré une sensibilisation quant aux impacts négatifs du mariage consanguin, nombreux sont ceux qui font abstraction totale de tous ces discours et continuent à se marier avec des personnes de la même famille. D’ailleurs, plusieurs proverbes locaux encouragent cette pratique : «Ne laissons pas nos richesses aux autres», ou encore : «Marie-toi avec ta cousine, ta chair et ton sang».
Ces croyances sociales et culturelles, ajoutées à des considérations d’ordre matériel, ont fait du mariage consanguin, dans certains villages du pays, un fait irrévocable, décidé parfois dès la naissance des futurs "époux".
Les travaux portant sur la consanguinité et sa fréquence demeurent peu nombreux. Cependant, une étude nationale a estimé ce taux à 36%. L’endogamie, consanguinité plus élargie, définie comme étant le mariage entre sujets de la même communauté, traduit une immobilité sociale avec, comme conséquence, un isolement génétique du groupe reproducteur. Elle est encore très fréquente en Tunisie : son taux est de 92,2%.
La consanguinité peut entraîner un nombre important de maladies et de malformations. Certaines anomalies sont très rares et ne surviennent que dans le cadre de ces mariages. En général, elles peuvent donner lieu à des malformations congénitales majeures, des maladies héréditaires du métabolisme, hémoglobinopathies, déficits neurosensoriels et maladies à composante génétique.
Cependant, malgré l’attachement à ces habitudes, quelques-uns, à force de générer des enfants porteurs de handicaps ou ayant des anomalies, ont fini par se rendre compte des dangers de ces mariages et par les éviter.

Qu’est-ce que la consanguinité ?

Le terme consanguinité dérive du latin: «cum» qui veut dire «avec» et «sanguis», sang.
Il est défini comme étant l’union entre des individus possédant un ou plusieurs ancêtres communs. L’enfant né d’un mariage entre personnes apparentées est un individu consanguin. Le principal effet de ce genre de mariage est l’accroissement de l’«homozygotie».
Deux individus de la même famille peuvent porter des gènes récessifs identiques. Les caractères de ces gènes peuvent être cachés et ne se manifestent que chez l’enfant issu d’un mariage entre ces deux individus. Ainsi des parents aux yeux foncés peuvent générer des enfants aux yeux clairs s’ils portent respectivement des gènes récessifs de cette caractéristique génétique. Le même cas de figure peut se produire pour une maladie portée cachée par les deux parents. Le mariage consanguin augmente le risque d’apparition de la maladie chez les enfants issus de ce genre de mariage.
Les sujets sont défavorisés au sens sélectif, avec une plus grande chance de présenter des caractères à transmission autosomique récessive dont les tares. Ainsi la consanguinité est génératrice de maladies, de malformations et d’anomalies héréditaires. Aussi est-elle associée à un taux élevé de fausses couches et de morts-nés, sans pour autant réduire la fertilité. Ces fausses couches et cette mortalité natale seraient, selon le Dr Bellalahoum, directeur de l’Institut de promotion des handicapés (IPH), le fait d’un phénomène de sélection naturelle qui survient dans les cas où l’embryon présente d’importantes malformations.

Le certificat prénuptial, une nécessité plutôt qu’une formalité

Le Dr Bellalahoum insiste sur l’importance qu’il y a à procéder à une visite médicale complète pour les futurs époux, et ce, deux ou trois mois avant le mariage afin de pouvoir identifier les éventuelles maladies transmissibles et certaines anomalies chez l’un des partenaires. Pour ne citer que l’exemple très simple de la femme de groupe sanguin négatif, qui doit subir un traitement spécial au cours de la grossesse, il s’avère primordial d’identifier les caractéristiques physiques de chacun des partenaires avant le mariage.
Ainsi le rôle du médecin émetteur du certificat devient central. Il est tenu de faire preuve de beaucoup de rigueur pour pouvoir limiter les effets négatifs d’une union parfois non compatible et orienter les futurs époux dans le cas où ils ont besoin de conseils.
Même si le rôle du médecin n’est pas d’empêcher le mariage, il doit sensibiliser les futurs partenaires quant aux risques encourus par leur progéniture. Dans le cas d’un mariage consanguin, il établit un arbre généalogique qui informe sur les caractéristiques génétiques de la grande famille et des maladies qui y sont présentes, même si elles sont cachées. Le médecin doit aussi identifier le risque d’une tare héréditaire en recueillant des données médicales auprès des futurs époux ainsi qu’auprès des membres de leur famille.
Après avoir déterminé le risque pour le couple, une consultation spécialisée auprès d’un généticien devra être effectuée. C’est lors de cette visite que la gravité de l’affection ainsi que les éventuelles indications thérapeutiques peuvent être discutées.

Prévention et sensibilisation

Le risque important lié aux mariages consanguins ne peut être géré et diminué qu’à travers une sensibilisation accrue des individus appartenant à des groupes où le mariage consanguin continue à faire des ravages. Pour élaborer un discours sensibilisateur à fort impact, il est primordial d’étudier les diverses situations constatées dans chaque région, et ce, de façon séparée afin d’identifier les croyances et les comportements propres à chacune de ces régions.
D’après le Dr Bellalahoum, un projet de recherche est en train d’être préparé à l’Institut de promotion des handicapés. Il a pour objectif principal d’identifier les caractéristiques du mariage consanguin en Tunisie, les motivations qui le génèrent et sa fréquence, selon des indices culturels et géographiques bien définis.
L’étude permettra aussi de définir la prévalence du handicap dû au mariage consanguin sur les 151.000 handicapés qu’on compte aujourd’hui en Tunisie.
Ce projet sera également un moyen en vue d’établir une stratégie permettant de réaliser un changement progressif des attitudes et des comportements vis-à-vis de ce problème.
Le Dr Bellalahoum ajoute qu’une campagne de sensibilisation sera menée dans quelques jours, à cet effet, dans les médias et notamment à travers des spots télévisés, qui auront pour but de diffuser le message central relatif aux effets négatifs du mariage consanguin de façon vulgarisée et facile à comprendre, afin de toucher toutes les catégories sociales.
Nadia CHAHED



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