Affaire ABCI contre l’Etat tunisien

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Par Mondher Sfar,
ancien Conseiller au Ministère des Domaines de l’Etat


Quand on défend une bonne cause, on n’a pas besoin de recourir à des moyens peu honorables. Une victime d’un régime oppressif ne peut s’autoriser de n’importe quoi pour arriver à ses fins, aussi justes soient-elles.
...


M. Bouden a détourné un document qui lui a été envoyé dans le cadre de négociations amiables sous l’égide du Centre international d’arbitrage relatif aux investissements internationaux (CIRDI). Ce document ne peut avoir de valeur contractuelle et pourtant il a manœuvré pour faire croire qu’il est un titre contractuel alors qu’il ne constitue qu’un élément de correspondance en vue de la conclusion d’un accord amiable conformément à un processus administratif codifié par la loi.

Ainsi, l’on peut lire dans un article récent paru dans Nawaat « Il s’agira pour l’exécutif de prétendre que ce protocole ne résultait pas d’une volonté de l’Etat et qui a été mis en place de manière illégale. » Ce sont là des manœuvres malicieuses pour brouiller la réalité. Le temps est venu de clarifier les arcanes d’un dossier extraordinairement compliqué et la part de M. Bouden en est loin d’être négligeable. L’exécutif dont il parle a bel et bien voulu aller dans le sens d’un arrangement amiable. Seulement, il n’y avait pas un seul exécutif. Le lendemain de la Révolution, le dossier de l'Arab Business Consortium Investment (ABCI) s’est trouvé dispersé entre deux centres de décision. Une part était entre les mains d’une Commission ministérielle au Premier ministère. L’autre chez le Contentieux de l’Etat sous l’autorité du Ministère des Domaines de l’Etat. Cela reflète le compromis politique qui s’est instauré dans le pays, le lendemain de la Révolution. Il en a résulté le fait que la Commission au Premier Ministère fut composée de l’ancienne équipe des hauts fonctionnaires qui ont été rétifs à aller dans le sens d’un compromis avec l’ABCI, alors que ce fut le contraire aux Domaines de l’Etat. Le représentant de l’ABCI qui a bénéficié de la sympathie des anciens opposants au régime de Ben Ali, a su jouer sur cette division et dispersion du pouvoir, pour sous couvert de lutter pour ses droits spoliés et même sous couvert de lutte contre la corruption dans le milieu bancaire, manœuvrer dans les coulisses et détourner la nature d’un document qui lui a été expédié en toute confiance dans le cadre des négociations en cours, en proclamant avoir arraché des droits acquis, et en semant de ce fait la confusion dans les esprits, avec les dramatiques conséquences dont souffrent encore de nos jours plusieurs acteurs de ce terrible drame politico-financier.

Il faudrait que M. Bouden cesse de torturer des innocents qui naguère ont défendu sa cause parce qu’ils y ont cru. Comment peut-on laisser entendre que le document du 31 août résulte de la volonté de l’Etat alors qu’il a été envoyé pour permettre de repousser le délai prescrit par le CIRDI pour les débuts septembre et montrer au CIRDI que les négociations sont en cours ? Si le texte est le fruit de négociations officielles avec l’Etat, celui-ci a des institutions comme la Commission du Contentieux habilitée à gérer les négociations. Et M. Bouden en a été dûment informé.
C’est que nous avons la preuve matérielle qui montre que le document auquel on prête la qualité d’un protocole d’accord officiel n’est rien d’autre que le texte de propositions que M. Bouden a lui-même rédigé et qu’il a envoyé au Ministère au nom de l’ABCI pour être la base de discussions et non pas leur aboutissement ! Nous avons la preuve que ce texte a été très légèrement modifié par Hamed Nagaoui, représentant du Contentieux de l’Etat, et nous avons la preuve qu’une fois ces modifications mineures introduites dans ton texte. M. Bouden nous a renvoyé le même texte ainsi modifié. Aussitôt après, on lui a renvoyé ce même texte signé et cacheté en tant que prise d’acte de ses propositions et jamais comme l’expression de l’aboutissement légal de négociations qui devaient nécessairement passer par la Commission du Contentieux, ce dont il a été, faut-il encore le préciser, informé par écrit.

Ainsi, peut-on encore lire que « Slim Ben Hamidène, alors ministre des Domaines de l’Etat, n’hésite pas à effacer des emails de son ministère… dans le but d’inculper Hamed Nagaoui » ! L’on sait maintenant qu’en matière d’emails imaginaires effacés, c’est M. Bouden qui a passé sous silence l’email qui ôte au document en question la qualité dont il se prévaut abusivement.

M. Bouden a réussi par ses manœuvres à semer le doute dans l’esprit de ses partenaires immédiats (Hamed Nagaoui et Mondher Sfar) ou lointains (le Ministre et la Commission ministérielle chargée de ton dossier) en faisant planer le doute sur la qualité du document et en profitant de la méfiance que l’on avait moi-même et Hamed vis-à-vis du Comité ministériel hostile à ses thèses et qu’il n’a cessé de les diaboliser à nos yeux. Suite à cela, de graves accusations ont été dirigées essentiellement contre Hamed et Mme Afifa. J’ai été obligé de couvrir Hamed et mon ministre en démissionnant et en assumant l’envoi du document du 31 août 2012. Tout cela à cause de son comportement déloyal vis-à-vis de personnes qui ont été les premières à manifester de la sympathie pour sa cause sans même vérifier si elle était bien fondée, à cause des circonstances révolutionnaires que notre pays a vécues et vit encore et dont il a profité pour tenter d’acquérir des droits en usant de moyens déloyaux.

Devant ces développements dramatiques on aurait pu espérer voir M. Bouden clarifier la réalité qu’il a cherché jusqu’ici à travestir et qu’il aurait pu par une déclaration quelconque lever toute ambiguïté sur la nature du document du 31 août. Mais il a continué à se murer dans un silence coupable, puisqu’il permet aux rumeurs d’enfler et aux réactions répressives de ceux qui ont adopté une ligne dure au sein du Comité ministériel, de s’intensifier contre ceux qui ont cru à la justesse de sa cause.
Mais cette nature de notre personnage n’allait pas tarder à nous montrer une autre facette terrible et peu reluisante de celui qui n’a cessé de passer pour une victime.
Le CIRDI (l’instance d’arbitrage), consulté par le Gouvernement au sujet de ce document, a déclaré sans surprise que tous les échanges entre les parties négociantes n’ont aucune valeur pour lui tant que l’on ne soit pas arrivé à un accord réel. Ainsi, l’instance arbitrale elle-même a implicitement établi la nullité du fameux document. On aurait pensé, en toute logique, voir M. Bouden venir confirmer de lui-même la décision de l’instance d’arbitrage de considérer les échanges sans valeur contractuelle. C’était sans compter que nous avons devant nous, non pas un être normal, mais un véritable monstre froid. C’est ce dont je me suis rendu compte moi-même quand je suis venu à Paris rencontrer ce personnage pour lui demander de prendre acte de la décision du CIRDI. Dans un premier temps, il m’a fait croire qu’il préparait lui-même une réponse au CIRDI sans m’en préciser le contenu. J’ai insisté et je lui ai expliqué qu’il ne s’agit pas de faveur mais de reconnaître une réalité confirmée par le CIRDI. Je lui ai expliqué la situation désastreuse des personnes qui au sein de mon ministère se trouvent l’objet de suspicion, et qu’un geste simple de sa part ne pourrait qu’avoir le meilleur effet auprès de tout le monde, notamment en réconfortant la position de ceux qui souhaitent l’aboutissement des négociations amiables. Il a fait semblant de comprendre la situation. Et sur mon insistance, il a appelé au téléphone M. Halonen, le Directeur de l’ABCI, pour lui transmettre ma requête. Puis il m’a passé le téléphone et j’ai expliqué à M. Halonen qu’un tel geste ne pourrait que favoriser le bon aboutissement des négociations en prouvant la bonne foi du requérant. Il m’a alors donné son accord. Et l’on s’est séparé sur son engagement d’informer le CIRDI qu’il prend acte de sa décision. Peu après, M. Bouden, pour me faire croire qu’il n’était pas du genre à laisser tomber ceux qui ont concouru à l’aider pour recouvrer ses prétendus droits, m’a expliqué qu’il a eu M. Halonen au téléphone et que M. Bouden lui a dit textuellement : ‘I am not a son of … : ‘Je ne suis pas ..... … !’ : autrement dit, qu’il n’est pas du genre de ceux qui trahissent leurs partenaires dans la négociation, et qu’il ne trahira pas ceux qui entre autres, ont œuvré pour qu’il obtienne l’amnistie générale lui permettant de retourner en Tunisie après un exil de plus de vingt ans. Mais, quelques jours plus tard, il a tout simplement oublié ce qu’il a promis à M. Halonen, et il a oublié ce qu’il s’est lui-même qualifié s’il trahissait ses anciens soutiens. Et il m’a fait comprendre qu’il n’en fera rien. Pauvre diable ! M. Bouden a si vite oublié ce qu’il a dit à M. Halonen : qu’il n’est pas le genre de .... de …, qui trahirait ses bienfaiteurs… !
M. Bouden a poussé la trahison si loin qu’il a même refusé de me communiquer le numéro de téléphone de M. Halonen quand je le lui ai demandé, dans une ultime tentative de ma part de le convaincre encore une fois de la gravité de la situation et de l’urgence de lever toute ambigüité. Oui M. Bouden, voilà jusqu’où vont vos manœuvres déloyales : jusqu’à refuser de communiquer le téléphone du responsable officiel de l’ABCI, et ce pour empêcher la solution d’une difficulté majeure dans les négociations en cours. C’est la preuve manifeste de votre mauvaise foi. Plus encore, vous n’avez jamais communiqué le contact téléphonique ou électronique direct de ce même Directeur, et je parie que vous ne l’avez jamais communiqué à personne ! Ce ne sont pas là des méthodes d’une victime qui chercherait à défendre sa bonne cause, mais ce sont là des manœuvres de personnes qui cherchent à agir dans l’opacité, parce qu’ils ont des choses à cacher. Qui sait si M. Halonen ne soit pas lui aussi victime de manœuvres déloyales ? Une enquête à ce sujet nous éclairerait sans doute sur bien des obscurités de cette affaire !
Je me rappelle aussi qu’au moment où je prenais le métro au Trocadéro, je lui ai dit de façon claire : « faites ce geste, et prends acte de la décision du CIRDI ». Il m’a répondu froidement : « je vais soutenir le ‘Soldat Hamed’ » ! Et il m’a expliqué calmement qu’il faudrait faire comme dans le film de Spielberg : ‘Il faut sauver le soldat Ryan’. Autrement dit : laisser délibérément la machine administrative et judiciaire broyer Hamed sans raison aucune, et ensuite se mobiliser pour le sauver ! C’est en ces termes terribles que m’a répondu celui qui quelques jours auparavant me disait qu’il serait ‘un .... .. …’ s’il ne prenait pas acte de la décision du CIRDI et s’il laissait périr ceux qui étaient convaincus de la justesse de sa cause.
Ce nouveau Spielberg s’est apparemment trompé de scénario. Car la vie du soldat Ryan dépendait de ses ennemis, alors que la vie du Soldat Hamed dépendait de celui que Hamed a aidé à recouvrer ses droits, notamment l’amnistie ! Et ce généreux sauveur du Soldat Hamed est celui qui l’a mis dans le pétrin en connaissance de cause en s’abstenant d’effectuer un acte formel et même anodin : prendre acte de la décision du CIRDI ! Oui Monsieur Bouden : n’est pas Spielberg qui veut. Et n’est pas Spielberg celui qui noie son soldat pour pouvoir le sauver.
Il est impératif ici d’évoquer le cas de Feu Amor Gresh, sans doute une autre victime de ce système diabolique. Gresh a vraisemblablement été victime du même scénario de ‘Il faut sauver le Soldat Hamed’. Gresh, cadre supérieur de la BFT, la banque qui est au cœur de l’affaire ABCI, s’est trouvé tout d’un coup devant la Justice et condamné à une longue période de prison dont il purgea dix ans. Il est sorti de prison peu après la Révolution, mais quand il s’est présenté pour clamer son innocence auprès de l’organisme ‘Taqassi el-haqa’iq’, il eut une fin de non-recevoir. Peu après il eut une attaque cérébrale et il est décédé. Ce qui est frappant, c’est que dans cette affaire, notre nouveau Spielberg s’est présenté généreusement à la famille Gresh pour l’aider matériellement, exactement de la même manière avec le Soldat Hamed, en proposant ses bons et loyaux services une fois sa victime est par terre ! L’ironie de cette histoire, c’est que j’ai reçu la famille Gresh dans le bureau de Hamed sur l’initiative de notre ‘Spielberg’ lui-même dans l’intention de nous convaincre du bienfondé de sa cause, en nous exhibant cette famille meurtrie qu’il a généreusement soutenue, après avoir été précipitée en Enfer. C’est avec de telles méthodes qu’il a préparé son piège pour faire précipiter son nouveau Soldat Hamed dans l’abîme, en promettant de le sauver. Ce sauveur ne sauve pas ses victimes avant qu’ils ne tombent, il les sauve seulement une fois tombés, vifs ou morts.
Quand nous avons senti que M. Bouden pouvait utiliser abusivement le document du 31 août contre nous, Hamed m’a un jour confié : Il y a des chances que l’on subisse à notre tour le sort d’Amor Gresh. Et effectivement, le jour où ce terrible personnage m’a déclaré devant la bouche du métro du Trocadéro qu’il refuse de prendre acte de la décision du CIRDI et qu’il se prépare à sauver ‘Le Soldat Hamed’, alors j’ai compris que Hamed allait subir le sort de Gresh. J’ai immédiatement rompu tout contact avec ce monstre.
Cet aspect sombre du personnage, j’ai pu m’en rendre compte encore une fois quand il m’a fait savoir, alors qu’il se trouvait dans mon bureau lors de sa venue en Tunisie pour les négociations, que son livre de chevet n’est rien d’autre que le fameux livre chinois L’Art de la guerre de Sun Tzu. Ce traité de stratégie militaire a été écrit cinq siècles avant JC. C’est le premier ouvrage en son genre qui enseigne les principes de la guerre psychologique. Il est encore étudié à travers le monde. Notre stratège tunisien m’a alors expliqué comment, en s’appuyant sur ce traité, avancer pas à pas avec la personne visée et ne rien lâcher une fois qu’on a obtenu un avantage aussi minime soit-il. Il m’a expliqué tout cela en me montrant l’endroit où il a téléchargé ce traité de Sun Tzu. C’est un message à peine voilé pour dire qu’il ne va rien lâcher de ce qu’il croit avoir acquis : le document du 31 août. C’est cette même stratégie qu’il a toujours appliquée. Il considère que son affaire n’est rien d’autre qu’un jeu vidéo où il peut facilement abattre ses ennemis, et même ses amis à l’occasion, pourvu que le compteur de points ne s’arrête pas. Cette confidence éclaire plus que tout la nature du personnage et toute la logique de son affaire. Quand un haut fonctionnaire d’Etat, lors d’une conversation, a traité notre héros d’un terme peu reluisant, j’ai été choqué à l’entendre. Maintenant il n’y a plus aucun doute. Quand quelqu’un défend une cause juste, il n’a pas besoin de recourir à des moyens de tromperie ou des coups bas, même s’ils sont enseignés par les plus grands stratèges du monde. L’affaire de l’ABCI n’est pas une cause juste. C’est une cause injuste. Et c’est son représentant qui l’avoue et en explique les moyens. Une des maximes célèbres de Sun Tzu dit : « Toute guerre est fondée sur la tromperie. » Mais je ne pense pas que Sun Tzu, en disant cela, ait songé à tromper aussi les amis… Tromper l’ennemi, à la limite ! Trahir l’ami, c’est un crime.
Ainsi, ce joueur chevronné a poussé le vice au point de convaincre les gens, comme on l’a vu, du caractère contractuel d’un document qu’il a lui-même rédigé pour dire qu’il émane de l’Etat, et qu’il y a des forces qui tentent de le nier en « supprimant des emails » imaginaires. Ces emails n’ont jamais été supprimés. Par contre, ce personnage, comme on l’a indiqué, n’a jamais signalé à aucun journaliste que le prétendu accord définitif a été accompagné d’un email de la plus haute importance où il est dit à l’adresse du Directeur de l’ABCI que « Nous vous indiquons que dans le cadre de la procédure, la commission du contentieux se réunit sous peu conformément à l’Arrêt n° 2046 de 1997. » Cet email reproduit tel quel dans le dernier article de Nawaat sur la BFT est le plus cinglant démenti au prétendu caractère contractuel de l’accord, puisqu’il reste soumis à l’approbation de la commission du Contentieux, seule habilitée à adopter ou à rejeter les propositions soumises au cours des négociations.
Par ailleurs, je n’ai cessé de faire moi-même référence à ce document dans les envois faits lors des échéances successives qui se présentaient devant le CIRDI, ce qui confirme bien que tous ces échanges s’inscrivent dans un cadre précis, celui des négociations non encore abouties, et que l’utilité première de ce document est de servir de preuve de la continuité des négociations, et non pas de leur aboutissement. La désignation des experts puis leur suppression montre qu’il n’y a rien de définitif et cela n’a pas empêché les négociations de se poursuivre jusqu’à nos jours.
Toutes les prétendues manigances du Ministère des Domaines de l’Etat ne sont que le reflet de ses propres manigances pour faire croire à un complot contre lui, alors qu’il sait que si l’expertise diligentée par notre Ministère n’a pas eu lieu c’est qu’il y eut un doute sur la finalité de cette procédure. Il est vrai que le Comité ministériel chargé du dossier de l’ABCI est très réservé vis-à-vis des droits réclamés par M. Bouden. Cela ne peut présumer pour autant de la justesse de ses allégations.
Au cours des mois qui précédèrent l’envoi du document du 31 août, nous avons subi, Hamed et moi-même, et bien d’autres responsables administratifs et politiques, un harcèlement téléphonique qui dépasse l’imaginaire. Un jour, j’ai relevé au cours d’une journée dix-neuf appels de M. Bouden auxquels je n’ai pas voulu répondre ! Mais le sommet dans ce harcèlement a été atteint quand j’ai reçu un appel d’un portable tunisien. Quand j’ai répondu, c’était lui ! Incroyable mais vrai ! Je n’arrive pas encore à comprendre comment il a réussi à m’appeler d’une ligne tunisienne alors qu’il se trouvait en France. Mais ce n’est pas tout. M. Bouden use d’une voix extrêmement bien rodée, une voix calme et sûre d’elle-même, qui a indéniablement un effet presque hypnotique. Il a la capacité de débiter son discours monocorde sans laisser à son interlocuteur la possibilité d’abréger la conversation. En moyenne, ses appels ne durent jamais moins d’une demi-heure, au meilleur des cas. C’est une technique d’influence et d’hypnose redoutable !
Mais sa technique la plus aboutie, mais aussi la plus dangereuse, c’est d’isoler son interlocuteur de ceux qui sont capables de dévoiler son jeu. Ainsi, il les persuade que tel est un vendu à l’ancien régime et qu’il est un ennemi. Il a excellé dans ce registre, et je me rends compte aujourd’hui combien il m’a bluffé, en me faisant renoncer à contacter bien des acteurs qui m’auraient certainement mis en garde envers cet homme de peu de scrupules, surtout au sein du Comité ministériel. Ce bluff a d’autant mieux réussi que Hamed et moi-même partageons la conviction que ce Comité ministériel est illégitime, ce qu’il l’était réellement du fait qu’il comprenait de nombreux hauts fonctionnaires qui avaient eu en charge le même dossier de l’ABCI du temps de Ben Ali et même avant. Circonstance aggravante, certains avaient même géré certains établissements bancaires et qui se retrouvent à l’Exécutif, ce qui crée un conflit d’intérêts inacceptable. Boudin a très bien profité de cette faille pour nous décourager à fréquenter les membres de ce Comité, d’autant plus facilement que ce Comité a montré des signes évidents du peu d’intérêt qu’il avait à faire aboutir les négociations amiables par son inaction pendant de longs mois, jusqu’à l’approche des délais impartis par le CIRDI. L’ABCI nous a envoyé un projet d’accord dont les termes garantissent les moindres coûts à l’Etat tunisien. Hamed et moi-même étions convaincus que le Comité ministériel rejetterait les termes de ce projet d’accord, vu son hostilité à l’ABCI. Cette position du Comité était à nos yeux extrêmement préjudiciable aux intérêts de l’Etat, car ce blocage ne peut que faire échouer les négociations amiables en cours, et mettre en péril les intérêts de l’Etat en cas d’arbitrage où le risque pour l’Etat de perdre l’affaire a été estimée selon certains experts à 50%, ce qui est un gros risque. Devant ce dilemme, je n’avais moi-même et Hamed que de faire en sorte que le projet d’accord amiable avec l’ABCI passe malgré le Comité ministériel. Il s’agit bien d’un coup de force. Et ce coup de force audacieux a été décidé sous la pression extraordinaire exercée par M. Bouden. On pensait pouvoir concrétiser cet accord, confiants que son contenu favorable aux intérêts de la Tunisie ne pouvait que s’imposer malgré le barrage du Comité ministériel. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas informé mon Ministre de l’envoi du texte d’accord, texte dont il ignorait tout, pour qu’il ne subisse pas les contre-feux du Comité Ministériel. Et c’est ce que qu’a fait Hamed avec son Chef hiérarchique. L’on s’est trouvés très vite induits dans un engrenage infernal d’autant plus insupportable que le texte du projet d’accord était destiné uniquement à éviter que le CIRDI ne mette fin aux tergiversations de la Tunisie et non pas à être un texte de « PV d’accord » définitif comme il a été intitulé par l’ABCI. C’est cette ambiguïté qui nous a mis Hamed et moi-même dans l’embarras. Partant de notre volonté de sauver les intérêts de l’Etat face à un Comité ministériel rétif, l’on s’est trouvé doublement piégés : par des institutions politiques incohérentes, et par un partenaire qui s’est révélé déloyal et sans scrupules, en nous isolant de ceux qui auraient pu nous alerter sur sa vraie nature, et en nous élaborant un texte piège dont on n’a jamais compris la gravité sur le coup. Le jour où nous nous sommes trouvés en difficulté face à l’échec de l’expertise, et le jour où l’administration a découvert le texte du projet d’accord, M. Bouden s’est abstenu de reconnaître la nature conditionnelle du document, portant un coup mortel à ceux qu’il a piégés. Il les a piégés en leur montrant un faux visage de lui-même, et en menant une campagne de lobbying quotidienne auprès d’innombrables personnalités issues de la Révolution et qui avaient un préjugé favorable à sa cause. Avec un tel forcing, il a réussi à émousser notre vigilance, et piéger plus facilement ses partenaires. Mais ce qu’il ne réussira jamais, c’est de continuer à tromper indéfiniment le monde et à détruire des vies innocentes.
Et c’est ce même Chevalier de la ‘lutte contre la corruption’ qui réclame aujourd’hui à l’Etat tunisien une somme astronomique de milliards, sans vouloir en démordre d’un centime ! Il appelle cela lutte contre la corruption ! Quelle imposture ! De toute l’histoire de la Tunisie personne n’a osé vouloir gruger l’Etat tunisien d’une pareille somme d’argent ! Il faudrait remonter au XIX° siècle, à l’Affaire Mahmoud Ben Ayed, pour en trouver un équivalant. Tout le monde a été interloqué par ces exigences astronomiques de M. Bouden et par l’intransigeance de ses prétentions démesurées qui ne tolèrent aucun compromis. C’est là aussi un des traits maladifs de ce personnage. Et c’est la raison pour laquelle les négociations entamées avec lui n’aboutiront jamais.
Je viens de me rappeler en disant cela, que je me suis rendu à son hôtel à Tunis pour lui proposer qu’au lieu des expertises bancaires qu’il ne cesse de réclamer, il serait plus avantageux pour lui d’arriver à obtenir satisfaction à l’amiable, puis, s’il a envie de lutter contre la corruption il pourra le faire à son aise, et avec l’appui des nombreuses associations dédiées qu’il pourrait alimenter en informations qu’il prétend avoir. Il m’a sèchement répondu qu’il n’en sera jamais question. J’en ai été profondément déçu. J’ai compris à cet instant que son but dans cette affaire n’est pas d’obtenir justice ou réparation, mais de faire un carton, non sans chercher en passant à se venger de ses vieux ennemis ou plutôt de ceux qu’il a transformés en ennemis.
Je peux aujourd’hui le dire sans l’ombre d’hésitation, que M. Bouden est totalement insensible aux souffrances de ses victimes : il peut les voir se contorsionner par les affres de la mort sans que cela ne l’émeuve outre mesure. On peut accuser M. Mounir Klibi, son ennemi juré, de tout ce qu’on veut, mais jamais de déloyauté ou d’inhumanité. Alors que M. Bouden s’est qualifié lui-même de ‘.... de…’, et cela ne le gêne pas outre mesure.
Retournons un instant à la décision du CIRDI d’infirmer toute valeur juridique aux échanges entre les parties, actuellement et dans le futur. Quand ce personnage a dans un premier temps fait semblant de reconnaître cette décision en promettant d’envoyer une correspondance prenant acte de cette décision, il savait bien que le document du 31 août ne pouvait avoir de valeur avec ou sans la décision du CIRDI du fait qu’on lui a notifié les termes de la loi exigeant son approbation par la Commission du Contentieux. Jamais jusqu’ici l’ABCI n’a émis de réserve sur cette mention qui infirme la valeur contractuelle du document et ce pour la simple raison que l’ABCI savait que Hamed Nagaoui n’avait pas de pouvoir décisionnel dans les négociations. Autrement, l’ABCI aurait immédiatement protesté ou du moins exprimé sa surprise après qu’il leur fut rappelé les termes de la procédure pour la validation du document. Le fait que l’ABCI n’ait pas soulevé d’objection à la soumission du document daté du 31 août 2012 à l’approbation de la Commission du Contentieux qui lui a été expressément signifiée, est une attestation implicite de sa part que le document transmis ne représente en aucun cas un acte juridique, mais une correspondance administrative propre au processus des négociations amiables en cours.
Ainsi, la signature de Hamed ne pouvait avoir d’incidence contractuelle pour l’ABCI, ni ne pouvait être en contradiction avec la procédure interne, puisqu’aussitôt après l’envoi du 31 août, il y eut convocation de la Commission du Contentieux.
Mais il existe une autre preuve matérielle indiscutable qui tend à démontrer que le texte du prétendu accord du 31 août ne peut être considéré comme l’aboutissement officiel de négociations avec l’Etat tunisien. En effet, le texte de ce document est la copie mot pour mot de la proposition de départ de l’ABCI modifiée à peine par Hamed. En effet, à l’approche de l’échéance du début de septembre 2012, l’ABCI nous a envoyé un texte de proposition, mais rédigé comme si c’était le texte d’un accord définitif, et portant la signature de son directeur M. Halonen. Ce détail dit long sur les méthodes d’action de M. Bouden : Il n’envoie pas un texte avec un intitulé du genre « Proposition de la société ABCI », mais tout simplement l’intitulé d’un texte qu’il veut être le « PV d’accord » et l’identifie en tant que tel.
Quand nous avons reçu ce prétendu « PV d’accord », Hamed y a introduit quelques modifications qu’il a communiquées à l’ABCI. Aussitôt après, celle-ci nous a renvoyé le même document tenant compte des observations de Hamed. Et c’est cette dernière copie qui a été renvoyée contresignée par Hamed en date du 31 août après notre rencontre à Mehdia avec M. Salim Ben Hamidène, que l’on a informé sur les grands principes des négociations en cours.
De retour au Ministère, le mal-nommé « PV d’accord » a été renvoyé avec la signature de Hamed, et sans qu’il y ait eu aucune modification ni du Ministre, ni d’aucune autre partie tunisienne, puisque ce document n’est rien d’autre que les propositions de l’ABCI soumises à l’approbation des autorités compétentes. Hamed a pris acte de la soumission de ses propositions en le contresignant et en lui signalant que ce texte qu’elle nous a soumis sera examiné par la Commission du Contentieux qui en tranchera. Et en effet, dans le document en date du 1er Septembre 2012 d’invitation des membres de la Commission du Contentieux à une réunion pour le 5 septembre 2012, il a été précisé que le texte en question est soumis à la Commission du Contentieux « conformément la loi n° 13 de 1988 et à l’Arrêt n° 2046 de 1997. » Il ne saurait subsister de doute sur la nature du document du 31 août 2012 : une pièce de correspondance tant qu’elle n’a pas reçu l’aval de la Commission du Contentieux.
Paris, le 22 avril 2016




   ÊÇÈÚæäÇ Úáì ڤæڤá ááÃÎÈÇÑ

Comments


2 de 2 commentaires pour l'article 124061

Sarramba  (France)  |Vendredi 22 Avril 2016 à 23:39           
Trop de Bla Bla Bla !!!!

il manque l’essentiel! Quel est l'amateur ou le nul qui a dûment signé et apposé le cachet du ministère sur un brouillon d'échange de point de vue, de négociation et de propositions possibles ou non ????????????????????????????????
Celui là il faudrait le pendre par les deux...pieds !!!!

Cela ne prouve que l'amateurisme et l’état bananier de la Tunisie!

Monsieur Sfar, il faut arrêter de pleurer comme une "femmelette"! Le milieu des affaires et surtout des banques n'est pas un monde de bisounours !
Il vous reste un brin d'espoir en allant en justice! Et il va falloir ramer pour arriver à prouver une bonne foi quelconque !

Mandhouj  (France)  |Vendredi 22 Avril 2016 à 21:17           
C'est une affaire sordide, d'un grand fassed, qui emploie beaucoup des complices... il y a beaucoup d’intérêts qui se croisent pour toutes les parties officielles et officieuses impliquées dans ce bourbier de ce fassed financier... au niveau de l'état il y a un grand manque de courage pour aller là où il faut... le peuple est déjà perdant? comment faire justice? il faut commencer par instaurer la transparence et prendre les risques
nécessaires.


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